Entre 1910 et 1930, de l’Empire russe à Paris, le peintre juif Marc Chagall (1887-1985) voyage entre art populaire et art moderne, entraînant dans son sillage toute une génération. Un passionnant portrait.
Chagall entre deux mondes
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“Mon art avait besoin de Paris comme un arbre a besoin d’eau.” En 1910, Marc Chagall, comme nombre d’artistes aimantés par la frénésie créatrice de la capitale française, quitte l’Empire russe pour s’abreuver à la source des avant-gardes. Si le fauvisme – qui a libéré ses couleurs – et le cubisme infusent ses toiles, le jeune peintre, proche de Blaise Cendrars, façonne son propre univers, à la croisée des cultures juive, russe et française, depuis son atelier de la Ruche à Montparnasse. En 1914, de retour à Vitebsk, sa ville natale en Biélorussie, Marc Chagall retrouve sa bien-aimée, Bella Rosenfeld, qu’il épouse l’année suivante. Le peintre, issu d’une famille nombreuse, modeste et pieuse, immortalise alors le quotidien dans la “zone de résidence”, où les Juifs de l’Empire sont parqués et persécutés. Mais tandis que ses comparses (Lazar Lissitzky, Solomon Ioudovine…), formés, comme lui, par “le peintre du shtetl” Iouri Pen, se mettent en quête d’un art populaire juif, avant de glisser vers la modernité, Marc Chagall, toujours attaché à son indépendance esthétique, se contente d’y puiser des motifs. Aux souffrances de la Première Guerre mondiale, qu’il fixe à l’encre de Chine, succède l’euphorie de la révolution de 1917, synonyme d’égalité des droits pour la communauté juive. Nommé commissaire aux Beaux-Arts de Vitebsk, le peintre fonde une école ouverte à tous les courants, dont le suprématisme de Malevitch, qui gagne la bataille de l’abstraction. Évincé de l’établissement en 1920, Chagall regagne Paris, où la joie des Années folles imprègne sa palette, à l’image de ses illustrations éclatantes des fables de La Fontaine, avant que la montée des nationalismes et de l’antisémitisme n’assombrisse son horizon.
Révolution
Ce passionnant portrait retrace le parcours du peintre entre 1910 et 1930, de Vitebsk, laboratoire de l’avant-garde russe, à Paris, où s’écrit une page majeure de l’histoire de l’art. Nourri de décryptages d’œuvres et d’éclairages de spécialistes (dont Meret Meyer, sa petite-fille), il raconte aussi l’émergence d’une génération d’artistes juifs russes, figures charnières entre l’Est et l’Ouest, la tradition et la modernité, le figuratif et l’abstraction.